Nous sommes ici au cœur d’une histoire universelle. Celle de notre conscience.
Le Mahâbhârata est la grande épopée de l’Inde. Comme L’Iliade grecque ce texte nous raconte comment les 2 clans royaux originaux et les différents dieux se sont combattus et réunis.
A l’intérieur de ce texte l’épisode de la Bhagavad Gita conte une bataille.
Cette partie du texte plus intense constitue une des pierres de voûte de la spiritualité indienne.
1) L’histoire
Lors de cette bataille, Arjuna, fils guerrier du clan des Pandava, se retrouve sur un champ de bataille, sur son char accompagné de son cocher.
Désirant voir ses adversaires avant de combattre, il se fait conduire entre les deux armées.
C’est ici qu’il se rend compte que le camp adverse qu’il doit exterminer pour la victoire est en partie composé de parents et d’amis.
Arjuna, incapable de tuer les siens décide alors de ne pas combattre.
S’ensuit alors un dialogue avec son cocher. Son cocher qui suspend le temps pour lui parler s’avère être Krishna, Dieu.
Ce dialogue constitue l’essence de la Baghavad Gita, le chant du bienheureux “celui qui voit bien”.
Arjuna et Krishna (qui ne sont qu’un) nous expliquent la nature du yoga en dissertant autour de la connaissance (jnana) et de l’action (karma).
Les thématiques du texte pourraient être infinies.
2) Les éléments du symbole
Toute la scène se déroule dans la sphère de notre esprit. Chaque élément du texte peut être décrypté à la lumière de la conscience.
Arjuna se retrouve sur un champ de bataille nommé “kurkshetra” qui siginifie d’ailleurs “conscience” et qui symbolise ma tête, mon esprit.
Arjuna sur son char est le mental discursif, ce qui parle en moi, ce qui doute, ce qui qualifie.
Le char d’Arjuna est attelé par des chevaux qui symbolisent mes sens.
Ce char est conduit par un cocher. Entre Arjuna et les chevaux, c’est à dire entre mon dialogue intérieur et mes sens (ma perception) se situe ma capacité à réfléchir (mon Dieu).
Lorsque Arjuna perçoit ses parents et amis dans l’armée qu’il doit combattre, il perçoit en fait ses attachements, ses illusions, les éléments de sa pensée qui lui sont familiers et qu’il doit dépasser.
3) Le couple Arjuna / Krishna
En lisant le texte on pourrait croire qu’Arjuna est enseigné par son cocher. On comprend rapidement que le cocher est en fait un Dieu immense et absolument puissant.
En effet, le Dieu comme outil de connaissance et de compréhension du monde est le serviteur d’Arjuna.
Il n’existe pas de Guru, pas d’être supérieur, pas de Dieu tout puissant. Ni dans la sphère du divin ni ailleurs.
Si Sauveur il y a, il est la partie de moi (en moi) qui extirpe ma pensée du conditionnement. La capacité de réflexion et la réflexion elle même constituent le moyen de ma libération.
Dieu, quelle que soit la forme de sa représentation, est l’outil qui me rappelle à cette fonction.
Le Soi dans son principe absolu ne peut être révélé que dans cette méditation profonde et intense :
“Je suis la pénitence des ascètes, la règle d’action de ceux qui désirent la victoire; le silence des secrets; la science des sages.”
4) Voie de la connaissance et voie de l’action
Nous l’avons compris le texte parle de notre conscience par allégorie.
Il n’y a donc pas d’amis à tuer, il y a des relations à éclaircir, des représentations à dévoiler, des liens à défaire.
Dans une relation qui ne nous convient pas, nous supportons le poids des représentations. Parce que telle personne représente ceci ou cela je ne peux pas me défaire du lien qui m’enchaine à cette situation.
Si dans ma pensée je tue le lien psychologique qui m’unit à cette personne je me libère d’une situation qui m’entrave.
On peut comprendre le tourment dont est l’objet Arjuna. Si on ramène à soi ses propres liens d’identification (famille, travail, amour) même quand ils sont oppressants, il n’est pas aisé de se défaire de ces liens si familiers.
De plus, on peut parfois comprendre mais ne pas agir.
” Le séjour où l’on parvient par les méditations rationnelles, on y arrive aussi par les actes de l’Union mystique ; et celui qui voit une seule chose dans ces deux méthodes, voit bien. “
5) L’inéluctable
Cette histoire est inéluctable et nous concerne tous.
Nous pouvons toujours faire semblant. Refuser le combat que nous devons mener. L’esquiver à chaque occasion. Mais cela n’effacera jamais la réalité. Alors, la même situation, le même conflit se répétera encore et encore.
Engagés sur ce chemin de connaissance (et d’action) tôt ou tard nous devrons faire ce qui est à faire.
“T’en rapportant à toi-même, tu te dis : “Je ne combattrai pas”; c’est une résolution vaine; la nature te fera violence.
Lié par ta fonction naturelle, fils de Kunti, ce que dans ton erreur tu désires ne pas faire, tu le feras malgré toi-même.”