Surya Namaskar, la salutation au soleil décrit de son nom un rituel plutôt lumineux de prédisposition à la connaissance. En effet, le soleil nourricier, source de vie et de chaleur est le symbole du savoir par excellence.
Nous pratiquons le rituel des salutations au soleil au début de nos pratiques Ashtanga, quelque soit la série pratiquée, à la fois pour activer la chaleur dans le corps mais aussi symboliquement pour nous rendre disponibles au processus de connaissance.
D’une manière globale, tout dans les salutations nous est indiqué. Chaque mouvement correspond à un souffle qui commence et qui finit laissant la place à un autre.
Chaque souffle / mouvement est compté nous indiquant jusqu’au points de regard ( drishtis ) qui doivent être dirigés sur des points précis non sans signification. Nous est également indiqué la manière de respirer (respiration nasale, sonore et thoracique).
Chaque posture qui compose l’ensemble de la salutation peut être approfondie techniquement et revisitée sans que cette répétition ne devienne mécanique.
Cette rigueur de sens et de mouvement nous évite le chaos d’une pratique sans signification. En d’autres termes, la compréhension de ce rituel nous évite une pratique anarchique « an-arché » (étymologiquement : sans archétype).
La salutation indique un processus qui consiste à naviguer entre le monde d’en haut ( les cieux) et le monde d’en bas ( les enfers) afin de les joindre par la connaissance (« yoga » dont l’étymologie est le lien).
Si l’appellation Surya Namaskar est lumineuse voyons que les archétypes que nous y traversons le sont moins.
Le processus de la salutation au soleil :
Samasthiti :
L’état naturel. Le visage et les traits du pratiquant s’effacent laissant la place au souffle, à cette attitude d’accueil de la connaissance. Non pas en tant que savoir théorique mais en tant qu’expérience vécue. Le corps et l’esprit se préparent à ce processus d’étude. Le regard se dépose sur la pointe du nez, le souffle s’installe puissant dans la cage thoracique, le corps rentre dans une extension équilibrée.
1- Ekam / inspire :
Les deux bras se lèvent, les 2 mains se rejoignent et le regard vient se poser sur les pouces. La réunions des deux mains indiquent dès le premier mouvement la quête de l’unité. Le regard sur les pouces. Le pouce ( doigt de Vénus ) est relié à la tête.
2- Due / expire :
Premier plongeon vers le monde d’en bas. Les deux mains touchant le sol, la tête se relâche. Souvent nous gardons ici la nuque raide et n’allons pas dans ce mouvement qui consiste à relâcher la nuque. Dans la Bible, Dieu condamne le « peuple à la nuque raide » c’est à dire ce peuple pour qui la communication entre la poitrine et la tête est rompue.
3- Trini / Inspire :
Ici l’extension du buste ramène en dernier lieu la tête au monde d’en haut tandis que les mains sont toujours dans le sol. Reliant ainsi le monde des cieux et celui des enfers. La face arrière du corps s’étire intensément nous indiquant subtilement (ou pas) ce que nous ne voyons pas.
4- Catuari / Expire – Chaturanga ( le bâton à 4 membres )
Cette posture comme la symbolique du chiffre 4 indique un temps d’épreuve nécessitant force et stabilité pour qu’un tel passage nous mène à la libération. Cette posture requiert une certaine solidité. Elle aussi commence du haut pour finir en bas depuis nos 4 appuis (deux mains deux pieds) solidement ancrés dans le sol. Les triceps fortement sollicités nous font traverser les 3 mondes depuis le haut jusqu’en bas, nous préparant à la suite.
5- Pancha / inspire – Urdhva Muka ( chien tête en haut )
Depuis la stabilité de caturanga nous entrons dans la symbolique de la tête du chien. La tête du chien nous rappelle au mythe de Cerbère, le chien à 3 ou 50 têtes. Si nous rencontrons ici Cerbère nous voilà rendus à la porte du monde souterrain. Celui des enfers. Le Cerbère étymologiquement « Sarvari » en sanskrit c’est à dire la « nuit ».
La nuit est ce monde inconscient vers lequel nous devons tourner le regard.
La figure du chien est présente à de nombreux temps mythologiques. Artémis déesse de la lune est toujours accompagnée de son chien. Elle est d’ailleurs soeur d’Apollon Dieu du Soleil.
Le chien fidèle compagnon des voyageurs les précède dans leur cheminement. Le chien pourtant bien aimé et fidèle nous indique le conditionnement à révéler dans nos pensées, nos actes. Il s’agit du droit moral, de l’attachement injustifié à des valeurs qui ne sont pas nôtres mais bien indiquées par la doxa ambiante.
6- Sat / expire – Adho muka ( chien tête en bas)
Nous voilà entrés tête en bas dans le monde infernal. Nous marquerons une pause ici de 5 respirations.
Sat, ou le 6, chiffre du diable lorsque nous sommes ‘chien tête en bas’ marque bien ce temps central de la salutation solaire où nous devons explorer nos profondeurs afin d’y laisser entrer la lumière de la connaissance. Le chien devrait pouvoir se transformer en loup à la lumière de la lune.
7- Sapta / inspire
Nous remontons les pieds en direction de nos mains regardant vers l’avant. Revenant à la surface nous relions le monde d’en haut à celui du bas.
8- Astau/ expire
Les mêmes mouvements sont répétés à l’envers pour revenir des profondeurs, mains dans le sol, tête relâchée. Le cycle se forme, bientôt la boucle sera bouclée.
9- Nava/ Inspire
Le corps se redresse et de nouveau les mains se rejoignent dans l’unité de l’être sur ce 9, chiffre de la fin et du renouveau. Le 9 est le dernier chiffre compté de la salutation solaire. Il indique Nava le bateau, le passage d’une rive à l’autre. Il rappelle ainsi les eaux primordiales de la création peut-être aussi le déluge, le chaos.
Ainsi le point d’en haut et le point d’en bas se confondent n’ayant pas de réalité objective, seulement théorique.
Ainsi, sans le compter nous revenons à Samasthiti.
Samasthiti
Dernière expiration, celle de l’état naturel.
Ainsi, nous reprenons :
» Ekam – Inspire … »